Bruno Chevtchenko (préparateur mental) : ’Un leader, c’est celui qui encourage mais aussi qui admet ses erreurs devant le groupe’
L’Interview du Jeudi - jeudi 17 mars 2016 - par Alain Bloëdt
Curieusement, alors qu’on accorde beaucoup d’importance au mental pour expliquer des victoires ou des défaites, peu d’équipes de rugby en Belgique y consacrent un volet spécifique de leur préparation. Est-ce par manque de connaissance, de conviction, de budget, une compétition d’égo possible avec les autres membres du staff ? Les raisons ne manquent et donc, pour y voir clair, nous nous sommes tournés vers Bruno Chevtchenko, préparateur mental passé par Boitsfort la saison passée et qui travaille aujourd’hui avec le préparateur physique Romain Guerin et avec l’arrière et buteur Lucas Levy du club Provence Rugby, le club du Diable Noir Julien Beger.
Tu as assisté au dernier Classico, à la Foresterie où l’ASUB l’a emporté par 30 à 11. En tant que préparateur mental du BRC l’an dernier, comment analyses-tu leur performance de la saison en cours ?
Boitsfort 1 ou Boitsfort 2 ? (il sourit) Plus sérieusement. Boitsfort 2 jouait sans pression. On sent de la cohésion même si le match était débridé et leur performance en-dessous de leur qualité j’ai l’impression. A l’inverse, Boitsfort 1 donne l’impression de jouer avec une énorme pression mais malgré tout ils jouaient, comme s’ils ne faisaient que jouer.
La saison que vit Boitsfort cette saison est le lot de plusieurs clubs chaque année. Comment intervient dans ces conditions un coach mental ?
Le préparateur mental doit pousser les joueurs à débriefer individuellement sur sa propre performance. Ici, Boitsfort arrive à un stade de la saison où il reste peu de matchs. Il y a une menace, le ROC, donc chaque joueur doit se poser la question : quelles sont mes compétences ? Qu’est-ce-que j’ai mis en place ou pas mis en place pendant ce match ? Est-ce-que je sais faire mieux ? C’est bien on sait passer la balle mais je sais faire mieux, je sais mieux renverser mes adversaires, etc…
Il y a eu une petite bagarre en milieu de seconde mi-temps. Comment l’analyses-tu ?
J’ai l’impression que cela vient de la frustration. Ils n’étaient pas si loin que cela. Ils auraient pu. Problème de cohésion, de leadership.
Tu accompagnes Provence Rugby, le club d’Aix-en-Provence qui est actuellement en dernière position de Pro D2. Quelle méthode faudrait-il appliquer quand des groupes sont en grosses difficultés ?
Il faut tout donner, redonner l’envie de gagner et faire disparaître la peur de perdre. Sur cette base, l’équipe va devoir s’appuyer sur ses points forts, ses valeurs. Donc, je prends une feuille où je trace deux colonnes une avec les compétences, une avec les points à améliorer puis je plierai la feuille et jetterai la seconde colonne parce que, en fin de saison, ce n’est pas ces points qui m’intéressent mais les points forts. Sur cette base, on va s’organiser pour aller plus loin, pour gagner de la confiance.
Comment mettre en place cette stratégie sur le terrain ?
En organisant des mini-challenges, à chaque moment. Ce sera, par exemple, celui qui lève un peu plus de poids, celui qui court un peu plus vite, etc… Et on affiche ces résultats. Chacun va se sentir concerné et confiant. S’il s’entraîne tous les jours à gagner, le jour du match il a envie de gagner.